"Évidemment, ce n'est pas une grande aventure de passer de France en Belgique, mais les parents ont beau dire qu'on s'en s'aperçoit à peine, c'est quand même magique. Dès qu'on arrive en Belgique, ce qui est extraordinaire, c'est de voir que tout à changé d'un seul coup: le route est belge, et l'herbe, et même les nuages gris dans le ciel. au bord du petit canal qui longe la route, des pêcheurs sont abrités sous des parapluies complètement belges et la patience des pêcheurs et tout à fait belge, elle aussi.
Si tout bascule tout à coup dans un univers différent, c'est bien sur à cause des idées qu'on a en tête, mais pas seulement: ce sont les panneaux indicateurs qui transforment tout. Oui les panneaux métalliques sagement plantés sur le bas-côté ont un pouvoir étrange. Au premier croisement, l'un d'eux indique "Rijsel" dans la direction que l'on quitte.
-"Qu'est ce que c'est Rijsel? "
Et là, c'est incroyable: on vous dit que "Rijsel", en fait, c'est "Lille". Oui Lille, ce nom tellement français qui fait surgir aussitôt des images familières à la fois chaudes et sombres, l'image d'une rivière, du charbon, et d'un café plein de lumière et de fumée.
Mais "Rijsel" ne peut pas vraiment être "Lille". C'est forcément autre chose, une autre façon de vivre dans les villes, et même une autre ville. "Rijsel", c’est à la fois plus fruité et plus rugueux que "Lille", c'est beaucoup mieux, beaucoup plus fort, puisque c'est différent, que c'est ailleurs.
Peu à peu on s'habitue aux panneaux bleu et blanc de l'autre vie. Mais il reste quand même, au delà des couleurs, un petit écart dans le mot lui même, et c'est ça qui fait tout le mystère du voyage. on devait aller à Bruges et à Ostende. En fait, on va à "Brugge" et "Oostende". "Brugge", c'est beaucoup plus dur que "Bruges", et "Oostende", c'est beaucoup plus au nord qu'"Ostende", c'est beaucoup plus un port très froids où une rafale de vent peut vous précipiter dans la mer. Pour Bruges on préfère le nom français, parce que la brume est douce, le long des canaux. Mais à "Oostende", on picore dans des petites assiettes de poisson au goût belge très fumé, tout en marchant le long de la mer. Avec un billet belge qui a beaucoup plus de pouvoir et beaucoup plus de franc qu'un billet français, on loue un petit chariot à pédale particulièrement belge. On s'éloigne un peu des parents, seul devant la mer, dans un pays si différent! C'est magique de franchir la frontière. "
Philippe Delerme in C'est bien
Quoi de mieux qu'en ce jour maussade et gris (même à Madrid il fait mauvais) que de recevoir du courrier. Mon livre préféré et une carte qui nous réchauffe un p'tit peu, avec ses couleurs, avec son mot doux, avec son clin d’œil. Merci. Même si c'est bien d'aller à l'étranger, c'est surtout bien d'avoir une famille sur qui compter, chez qui rentrer :)